Quand la nuit tombe

Elle avait quitté le manoir avec la vague idée de profiter du crépuscule. Puis du calme de la nuit. Elle marchait d'un pas léger, sous sa forme humaine, sa longue jupe noire voletant légèrement derrière elle, presque au ras du sol, révélant des petites chaussures. Son corset révélait une taille fine, noué par un lacet qui lui descendait le long du dos, caché par ses long cheveux qui accompagnaient ses mouvements avec grâce. Elle observait le ciel tout en marchant. La lune se levait, pleine au trois quart. Elle devait rendre les jeunes loups fébrile en ce moment. Elle tourna un instant sur elle même en fredonnant, comme pour danser.

Elle songea à son second qui avait désapprouvé cette sortie nocturne non accompagnée et qu'elle avait laissé au manoir. Puis le plaisir de la nuit, de sentir la lune sur sa peau l'envahit. Elle avait marché longtemps quand elle s'immobilisa devant le vieil entrepôt. Il n'était pas vide. Il y avait un loup dedans. L'un de ses loups. Elle pouvait le sentir d'ici. Ainsi que son besoin de solitude et son envie d'effrayer. Un sourire naquit sur ses lèvres et elle pénétra dans l'entrepôt d'un pas léger.

Elle savait exactement où il était. Parce qu'elle était son alpha et qu'elle pouvait ressentir chacun de ses loups avec précision. Elle s'immobilisa au milieu du grand espace vide et glauque, consciente que cela avait été un terrain de jeu pour lui. Les yeux posés sur le coin de pénombre qui le dissimulait encore, elle sourit, le regard pétillant.

Il venait d'arriver dans la meute, il lui avait demandé asile il y a peu. Elle ne refusait pas de loup. Rarement. Pas sans une bonne raison. Pas même les fils de traîtres. Alors elle l'avait accepté. Même s'il ne lui avait révélé qu'une partie de son histoire. Et que depuis il l'évitait. Elle sentait sa peur lorsqu'elle l'approchait. Ce n'était qu'une crainte, légère, très éloignée 'une terreur pure mais il ne voulait pas qu'elle sache. Elle avait senti qu'il ne lui dirait pas la vérité, qu'il lui cachait quelque chose. Et elle avait deviné que c'était son histoire. Elle savait qui était sa famille. Ceux qui avait aidé à décimer leur propre race. Mais elle ne lui en tenait pas rigueur. Elle espérait qu'il s'en rendrait compte un jour et qu'il viendrait lui parler lui même de ce passé qu'il redoutait. Mais elle savait que ce ne serait pas pour tout de suite. Pourtant elle avait confiance en lui. Elle sentait qu'il ne la trahirait pas. Alors elle attendit qu'il se montre.

Elle l'observa descendre d'un bond agile. Il l'avait reconnu, elle n'en doutait pas un instant. Il s'inclina respectueusement et elle sourit. Et il attendit. C'était un loup qui préférait sa forme lupine et elle l'observa un moment avant de l'approcher de son pas aérien, plus silencieuse que la brise elle même. Elle s'accroupit devant lui pour se mettre à hauteur de ses yeux, enroulant l'un de ses bras autour de ses jambes

- Que fais-tu donc ici tout seul à une heure aussi avancée ? Besoin de solitude ?

Sa voix était douce, c'était à peine un murmure. Elle leva la main et l'immobilisa près de sa tête. Certains loups détestaient qu'on les touche et, même si elle était l'alpha et qu'elle pouvait aisément imposer son contact, elle attendit son accord. Elle aimait le contact de chacune de chaque fourrure de ses loups contre sa paume. Elle se sentait ragaillardie. Mais elle ne le faisait jamais sans leur accord. Elle n'aimait pas s'imposer à eux. Et son comportement lui avait souvent attiré leur confiance. Alors elle ne changeait rien. Et elle attendait. Comme c'était le cas maintenant. Le vent joua avec ses longs cheveux et elle sourit, confiante.

Ses muscles se tendit alors qu'une odeur lui parvenait. Une odeur malsaine. Une odeur de mort. Elle ne prit pas la peine de tourner la tête. Elle savait déjà. Rien qu'à l'odeur et à l'absence de son. Et il était dos à la lune. Son ombre parvenait presque jusqu'à elle. il ne prenait absolument pas à se cacher. Il semblait planer entre eux, comme l'ombre d'une menace qui les survolait. Elle ferma les yeux, inspirant profondément. Et ce qu'elle perçut ne lui plu pas. Il y avait une envie de sang. Tellement importante, tellement présente. C'est alors qu'elle entendit Aïzadral qui avait sans aucun doute remarqué elle aussi son compatriote. Elle ne semblait pas le connaître, songea Abby en posant un regard sur la Vampire qui aurait presque pu s'attirer sa sympathie si elle n'avait pas été une buveuse de sang.

Puis elle jeta un regard à Drakan. Il était immobile et silencieux. Elle avait desserré sa prise mentale car elle savait que l'ordre qu'elle avait apposé dans son esprit l'empêcherait de sauter sur un Vampire. Peu importe lequel. Il aurait le droit de se battre seulement pour se défendre. Alors elle ne le retenait plus. Il ne pouvait pas aller contre cet ordre direct. Et si l'autre attaquait comme elle lui sentait l'envie de faire, elle aurait besoin de l'aide de Drakan. Si c'était elle qu'il attaquait, elle effacerait cet ordre de l'esprit de son loup. Elle soupira légèrement. Ce ne serait peut-être pas une nuit aussi tranquille qu'elle l'avait espéré.

Elle ne se tourna pas vers l'autre. Il savait déjà qu'il serait vu, il avait tout fait pour. Et elle refusait de lui donner un prétexte pour s'approcher, pour attaquer. Elle hésita un instant à partir mais elle n'était pas lâche. Elle ne s'enfuirait pas. Un Vampire ne lui avait jamais fait peur. Et ce n'était pas celui là qui allait commencer. Même si son envie de tuer paraissait être sa drogue. Alors elle se résolut à répondre d'une voix blanche.

- Non, pas de grabuge cette nuit. Pas pour les loups en tout cas.

Elle resta droite et fière, indomptable. Évitant de regarder Drakan qui devait encore ruminer tout seul et la maudire de ne pas le laisser décimer tout ce beau monde.

Il s'était approché et Abby avait soupiré. C'était inévitable. S'il n'avait pas voulu se montrer, il aurait été discret dès le début. Mais non il avait fallu qu'elle croise la route d'un tueur. Ces êtres sans foi, ni loi. Sans camps réel. Et il parla de ses frère qu'il avait tué. Elle ne lui jeta même pas un regard. La mort lui paraissait si lointaine. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait plus perdu de loup. Mais il ne voulait pas jouer le pacifiste. Son ton était assez éloquent, autant que ses mots d'ailleurs. Le regard posé sur la Vampire qui ne semblait guère plus emballée qu'elle pour un combat, elle l'écouta répondre. Lassée. Ce n'était pas vraiment le bon mot. A vrai dire, elle n'avait jamais vraiment approuvée cette rancune d'immortel. Parce que son père avait posé dans son esprit qu'il ne fallait pas qu'elle les haïsse. Son dernier acte d'Alpha. Elle l'avait suivi. Elle ne leur en avait jamais voulu. Pas pour le passé. Enfin elle avait essayé. Mais leurs actes présents l'agaçaient prodigieusement.

Le cliquetis de l'arme lui parvint et tout son corps se tendit, ses muscles se crispant un à un. La balle de Palladium qu'il enclencha dans son chargeur fit résonner tout son être et elle ferma les yeux, un bref instant, alors que ses doigts remontaient à son cou pour effleurer le collier qui y était accroché. Cela la brûla légèrement mais ce n'était même pas perceptible. Pour qu'il soit aussi bien équipé, il devait venir de la Fondation. Donc c'était un mercenaire. Chargé de collecter des immortels. Et un sourire sarcastique étira les lèvres d'Abby tandis qu'elle laissait retomber sa main. Si elle était réticente à combattre des immortels, ce n'était pas le cas des humains. Ces humains qu'ils avaient toujours protégés eux les loups. Ces humains qui les avait humiliés, chassés et exilés. Qui continuaient encore aujourd'hui. Ils n'étaient que des ingrats. Tout avait été leur faute. Elle tolérait les neutres mais la fondation ... C'était une autre histoire.

Elle se tourna vers le nouveau venu. Il voulait du combat. Cette sensation émanait de chaque pore de sa peau vampirique. Non, il voulait du sang et de la mort. Il finirait forcément par y en avoir au vu de ses armes. Du palladium et de l'argent. Il avait de quoi combattre sa propre race et elle serra les dents. Pitoyable. Pathétique. Des Vampires tuant des Vampires. Elle était loin l'époque ou le meurtre n'existait même pas. Son regard le parcourut de bas en haut et elle finit par croiser les bras sur sa poitrine, l'observant d'un air dédaigneux. Il ignorait même à qui il s'adressait. Vermine. Mais elle ne s'en vanterait pas. Pas alors qu'il avait du palladium et qu'elle était seule. Son second allait encore se foutre d'elle si elle rentrait blessée.

- Du palladium. Tu dois avoir de belles fréquentation M. le non pacifiste, persifla-t-elle d'une voix qui lui était peu habituelle. Nous ne t'avons pas invité à prendre part à notre jeu. Si le pacifisme t'écœure, je te conseille de partir. Ce n'est pas ici que tu satisfera ta soif de sang et de combat. Pas ce soir. Pas avec nous.

L'allusion a son collier l'irrita au plus haut point. Ce collier était lié à la plus grande humiliation de sa vie. Elle avait été traité comme un vulgaire chien. Puis il ajouta qu'il allait la laisser partir. Elle émit un rire bref. Quelle prétention. La laisser partir. Comme s'il avait le pouvoir de la retenir. Visiblement le fait de posséder du palladium lui avait fait perdre la raison. Pour qui se prenait-il cet impertinent ? Elle siffla d'agacement jusqu'à ce qu'une odeur lui fasse tourner la tête. Akuma.

Elle l'avait tout de suite reconnut et il apparut, le regard fixé sur l'impertinent et insolent Vampire de la fondation qui s'éloignait déjà après sa remarque insultante. Il dégaina l'arbalète sans lui accorder un regard et un sourire chargé d'ironie étira ses lèvres. Comme s'il pouvait ignorer sa présence longtemps. Mais il faisait bien semblant.

- Vous êtes vraiment insolents vous autres vampires. L'âge ne vous arrange définitivement pas. Plein de prétention et d'insolence. Mais vous restez la même vermine.

Elle passa une main dans ses cheveux pour les repousser dans un geste élégant malgré la situation. Oui les Vampires étaient plus insolents. Il était loin le temps où elle les appréciait, les respectait. Ce soir, ils ne méritaient même pas son attention. Ils auraient pu s'éteindre dès maintenant que cela l'aurait arrangée. Mais elle n'allait pas se salir les mains. Elle soupira, tenta de se calmer, songeant au temps où son meilleur ami avait été un Vampire. Elle ne devait pas les détester. Mais leur paroles, leurs attitudes, elle ne les supportait plus.