Soirée sans interrêt [solo]

Les passants se demandaient ce que j'étais en train de faire, à gratter les corde de mon violon sur le toit du centre commercial. La soirée était vraiment morne. J'avais quand même attendu onze heures pour sortir. En ce mois de Février, les jours se rallongeaient de plus en plus, ce qui devenait compromettant. Je ne me souvenais plus des dates des équinoxes et des solstices, mais cela m'était bien égal.

La ville se calmait de plus en plus, et à chaque fois, j'étais l'un des derniers à assister à ces instant ou le silence s'installe. Les vent soufflait dans mon dos, frais et saisissant, emportant les pizzicati dans sa course. Les derniers citadins encore de sortie ne me remarquaient presque pas. Peut-être était-ce ça, ma différence avec les autres vampires. j'aimais sortir pour me distraire, et pas pour me nourrir nécessairement. Et puis, au cas où, il me restait quand même du sang au frigo. Ou peut-être plus. Je ferais un tour à l'hôpital, de toutes façons.

Je balançai mes pieds dans le vide. Je me saisis de l'archet qui traînait à côté de moi. C'était bien, comme endroit. Je n'étais même pas obligé de cacher cet oeil manquant de peur de me faire remarquer. Je n'avais rien à faire, ce soir, comme d'habitude...

Peut-être serait-il temps, un jour de rejoindre le Clan. Je ne savais pas si j'en avait envie ou pas. Surtout si cela était synonyme de séparation avec mon petit train de vie habituel. Mine de rien, j'y tenais. Aller charrier Vlad, par exemple. Ou dévaliser les rayons de poches de sang de l'hôpital.

Ou peut-être pas, alors. Je n'en savais vraiment trop rien. On ne m'avait jamais vraiment expliqué en quoi consistait ce groupe de Vampires. Pour tout dire, je ne connaissais même pas le nom de leur chef. Mais ça 'était tellement égal, pour le moment. Je ne savais pas s'ils acceptaient les jeunes Vampires comme moi, qui avais un peu plus de deux-cents ans.

Je lâchais le pauvre archet qui manquait à chaque fois de se briser et posai le violon de bois sombre sur mes genoux. Je me couchai sur le dos, fixant je ne sais quoi. Un petit point en mouvement dans le ciel. C'était joli, mais je l'oublierais sans doute immédiatement après qu'il ait disparu. Je l'oublierais, comme j'avais déjà oublié beaucoup de choses. Le visage de mon père adoptif, par exemple. Il ne me restait de lui que sa voix en mémoire. Ah, et son manoir, aussi, mais c'était secondaire puisque matériel.

Les plantes du jardin me revenaient peu à peu, les éclats de rire que j'avais pu lâcher il y a plus d'un siècle. C'est vrai, cela faisait longtemps que je n'avais pas repensé à ça. A cet homme toujours sur son 31 qui me courrait après dans les longs couloirs de la résidence. Et puis, quand il a commencé à courir moins vite, et à ne plus me rattraper. Remarque, j'avait environ seize ans, donc c'était compréhensible qu'il ne se prête plus au jeu. Mais je suis sûr qu'il l'aurait fait s'il l'avait pu. Je me souviens des sourires forcés, de la maladie qui le gagnait. je m'en souvenais bien pour la première fois... Je devais vraiment devenir fou. J'étais déjà qualifié de psychopathe par plus d'un, peut être que c'était vérifié...

Je me laissai tomber lourdement du toit. ce n'était pas mon genre, enfin, mon habitude d'être nostalgique. Alors, au lieux de pleurer des années dont je ne me souvenais presque plus, autant aller faire quelques victimes de mes crocs.